CFP - colloque GRER-ICT et 3L.AM

 


Le laboratoire 3L.AM - Langues, Littératures, Linguistique des Universités d’Angers et du Mans, et le Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme (GRER –ICT) de l’Université Paris Cité organiseront à Paris un colloque international sur le thème :

 

Discours, réalités et représentations de la « défiance » (mise au défi)

Littératures, cultures et civilisations du monde anglo-saxon, pays du Commonwealth et des BRICS

3 et 4 avril 2025

Université Paris Cité, Campus des Grands Moulins (13e arrondissement de Paris)

 

L'objectif du colloque est de mettre en synergie des recherches, en sciences humaines et sociales, portant sur le monde anglo-saxon, les pays du Commonwealth et ceux des BRICS. Il s’agira d’identifier, à des moments variés de leur histoire, la façon dont se construit et s’appréhende la défiance dans le sens de « mise au défi » qu’elle partage avec le mot anglais defiance, apparu au début du XIVe siècle sous l’influence du vocable français desfiance.

 

Comme le rappelle Midoriko Kageyama (2012) dans son analyse du poème d’Alain Chartier La Belle Dame sans mercy (1424), titre que le poète anglais John Keats empruntera pour sa célèbre ballade de 1819, la notion de défiance (en moyen français defiancedeffiance et desfiance) mêle défi et doute : elle désigne à la fois l’« action de défier, de provoquer quelqu’un au combat, de déclarer la guerre à quelqu’un » et le « sentiment de celui qui n’a pas de confiance, manque de confiance ». Dans son œuvre, Chartier met en scène une guerre verbale provoquée, selon l’Amant, par les yeux de la Dame. Le débat amoureux s’engage entre des combattants qui ne se font pas confiance et refusent jusqu’à la fin de reculer. La bataille d’idées en vers constitue pour l’auteur l’occasion de proposer à l’auditoire une mise en question des valeurs de la cour.

 

Parmi les grandes figures de l’histoire de l’humanité, Mohandas Karamchand Gandhi a incarné avec force cette notion de défiance durant toute la période de violence et d'instabilité qui a commencé avec l'intensification de l'impérialisme à la fin du XIXe siècle et s'est poursuivie avec deux guerres mondiales. Les mouvements que le Mahatma a menés en Inde entre 1917 et 1942 ont eu un effet profond sur de nombreux activistes dans le monde entier. Fondé sur le concept de Satyagraha, dans l'objectif d'éveiller la conscience des oppresseurs et de revigorer leurs victimes avec un sens de l'action morale, son mode de défiance unique s’est développé pendant son séjour en Afrique du Sud de 1893 à 1914. La résistance civile sud-africaine remonte à 1906, lorsque Gandhi a commencé à organiser les Indiens contre les pratiques discriminatoires. Par la suite, en 1952, le African National Congress (ANC) et le South African Indian National Congress (SAINC) ont lancé, ensemble, la Campagne de défiance (Defiance Campaign) contre les lois promulguées par le National Party pour mettre en œuvre son programme d’apartheid.

 

Les voyageuses britanniques victoriennes puis édouardiennes qui, à partir du dernier tiers du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, ont visité les coins les plus reculés de l’Empire pour des raisons diverses ou sont parties s’installer dans les colonies pour des séjours plus ou moins longs, charriaient avec elles les traditions, les croyances, les codes et les représentations de leur propre culture. Elles participaient aussi aux transformations d’un monde qui se redessinait sous l’effet de grandes mutations politiques et socio-culturelles, dont la montée du féminisme. Dans une société où la sédentarité ou les activités physiques modérées étaient recommandées aux femmes pour des raisons de tradition puis de survie de la « race », justifiées par la science et la philosophie, voyager pouvait se concevoir, être représenté ou identifié, comme un « sport » violent, voire une conduite à risques – définie par David Le Breton comme une conduite disparate, répétitive ou unique qui met symboliquement ou réellement l’existence en danger. Les écarts vestimentaires, comportementaux, ou linguistiques que les voyageuses consignaient dans les pages de leurs récits ne manquaient pas de distiller une certaine forme de défiance, discrète ou ostentatoire, conscience ou inconsciente.

 

Selon les caractéristiques de la culture nationale, selon la composition de l’atmosphère politique dans laquelle ils trempent, les milieux artistiques entretiennent des formes spécifiques de provocation, favorisent ou engendrent des sentiments de défiance. Pour revenir au cas de l’Afrique du Sud, dont le pays célèbre ses 30 ans de démocratie en 2024, la publication du roman Disgrace (1999) du Prix Nobel John Maxwell Coetzee a révélé un écrivain qui refusait de rompre avec la tradition de défiance qu’il avait cultivée pendant l’apartheid. Celle de la fiction érigée en rivale de l’histoire. À l’instar du poème d’Alain Chartier qui a fait scandale dans les milieux de la cour capétienne, le récit d’un viol interracial dans la « nation arc-en-ciel » a provoqué des remous jusque dans l’arène parlementaire. Coetzee défiait la production de la « nouvelle histoire » de la « nouvelle Afrique du Sud », proposant une mise en question des valeurs de la jeune démocratie.

 

Plus récemment, l’élargissement stratégique du club des BRICS, dont l’Inde et l’Afrique du Sud font partie, a renforcé l’idée d’une volonté des pays émergents de défier l’ordre mondial porté par les puissances et les institutions occidentales. Dans la même logique, peut-être pourrait-on déceler une certaine forme de défiance dans la requête déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice en décembre 2023 contre l’État d’Israël, accusé de perpétrer un génocide dans la bande de Gaza.

 

Zygmunt Bauman soutient que le monde actuel est dans un état de « liquidité » généralisé, état qui résulte de la rupture de la relation entre politique et pouvoir, considérée comme centrale dans la crise des États-nations, et de l'affaiblissement de l'idée de communauté, provoquée par l'introduction des nouvelles technologies. Dans cette « société liquide » globalisée, insécurité, incertitude et individualisme sont les acteurs dominants. Que/qui défie-t-on dans une « société liquide » ? Comment la défiance se construit-elle et s’exerce-t-elle dans une telle société ? Ulrich Beck voit, dans la « société du risque », société industrielle où la production sociale de richesses est systématiquement corrélée à la production sociale de risques, l’émergence de nouveaux mouvements collectifs fondés davantage sur l’association de consciences individuelles plus autonomes. Sous aucune forme de contrôle ? La défiance était-elle concevable dans une société qui vise la « colonisation du futur » où « la peur domine notre vie » et « la valeur de sécurité refoule la valeur d’égalité »?

 

Ce colloque s’inscrit dans l’espace de réflexion ouvert par Nancy Nyquist Potter (2016) dans l’introduction de son éloge à la défiance : ‘Although most societies occasionally regard defiant behaviour as heroic, more often defiant behaviour is met with suppression, punishment or medicalization. Defiance behaviour is usually deemed disruptive to society and harmful to self, and sometimes that is true. […][Yet there are] conditions under which defiance might be desirable and praiseworthy’ [….] Even today, few people are praised for defiant behaviour and to my knowledge, no one writing in virtue theory has yet claimed defiance as one of the virtues’.  

Ouvrages cités infra

 

Les propositions de communication, en anglais ou en français, peuvent s’articuler autour des axes suivants, sans toutefois s’y limiter :

  • Philosophie/Sociologie de la défiance
  • Méthodes et pratiques de la défiance
  • Formes, valeurs et fonctions de la défiance
  • Représentations et incarnations de la défiance
  • Défiance clamée, défiance écrite et défiance représentée.

 

Elles peuvent aborder différents champs d’études et les conjuguer (sociologie, anthropologie, études politiques, civilisation, histoire, littérature, économie, média, journalistique, linguistique, etc.), différents pays de l’aire anglosaxonne, du Commonwealth et des BRICS, et traiter de tous les domaines des cultures savantes ou populaires (arts visuels, différents « genres » de fiction, sports, musique, objets de collection, pratiques culturelles et médiatiques, jeux, littératures, etc.).

 

Les communications ne devront pas dépasser 20 mns.

 

Les propositions de communication en anglais ou en français (titre et résumé de 300 mots) ainsi qu’une courte biographie (100 mots max.)

 

Une publication est envisagée chez L’Harmattan (Paris) dans la « collection Racisme et Eugénisme » du Prof. Michel Prum.

 

 

The 3L.AM research centre (Languages, Literature and Linguistics) of the Universities of Angers and Le Mans, and the Group for Research on Eugenics and Racism (Groupe de Recherche sur l'Eugénisme et le Racisme, GRER -ICT) of the Université Paris Cité are organising an international conference in Paris on

 

Discourses, Realities and Representations of Defiance.

Literatures, Cultures and Civilisations of the Anglo-Saxon World, Commonwealth and BRICS countries

3 and 4 April 2025

Université Paris Cité, Campus des Grands Moulins (13th arrondissement of Paris)

 

The conference theme, understanding defiance in the Anglo-Saxon world, Commonwealth, and BRICS countries, is of significant importance in the field of humanities and social sciences. We aim to identify, at various points in their histories, how defiance is constructed and understood in the sense of 'challenge' that the French word défiance shares with the English noun defiance - which appeared in the early 14th century under the influence of the French word desfiance. Your research and insights will contribute to our collective understanding of this crucial aspect. 

 

As Midoriko Kageyama (2012) reminds us in her analysis of French poet Alain Chartier's La Belle Dame sans mercy (1424), the title that the English poet John Keats borrowed for his famous ballad of 1819, the notion of défiance (in Middle French defiancedeffiance and desfiance) is an amalgamation of defiance and doubt: it encompasses both the "action of defying, of provoking someone into battle, of declaring war on someone" and the "feeling of one who has no confidence, lacks confidence". In his work, Chartier stages a verbal war provoked, according to the Lover, by the Lady's eyes. The amorous debate is between combatants who do not trust each other and refuse to back down until the end. The battle of ideas in verse allows the author to challenge the court's values. 

 

Among the significant figures in human history, Mohandas Karamchand Gandhi forcefully embodied this notion of defiance throughout the period of violence and instability that began with the intensification of imperialism at the end of the 19th century and continued through two world wars. The movements that the Mahatma led in India between 1917 and 1942 had a profound effect on many activists around the world. Founded on the concept of Satyagraha, aiming to awaken the conscience of oppressors and invigorate their victims with a sense of moral action, his unique mode of defiance developed during his stay in South Africa from 1893 to 1914. South African civil resistance dates back to 1906 when Gandhi began organising Indians against discriminatory practices. Subsequently, in 1952, the African National Congress (ANC) and the South African Indian National Congress (SAINC) together launched the Defiance Campaign against the laws enacted by the National Party to implement its apartheid programme. 

 

From the last third of the nineteenth century until the beginning of the twentieth century, the British women travellers of the Victorian and then Edwardian periods who visited the remotest corners of the Empire for various reasons or settled in the colonies for varying lengths of time carried with them the traditions, beliefs, codes and representations of their own culture. They were also taking part in the transformations of a world reshaped by significant political and socio-cultural changes, notably the rise of feminism. In a society where a sedentary lifestyle or moderate physical activity was recommended to women for reasons of tradition and then the survival of the 'race' and justified by science and philosophy, travelling could be conceived, represented or identified as a violent 'sport', or even risky behaviour - defined by David Le Breton as disparate, repetitive or unique behaviour that symbolically or really endangers life. The deviations in dress, behaviour and language that women travellers recorded in the pages of their accounts were bound to distil a particular form of defiance, whether discreet or ostentatious, conscious or unconscious. 

 

Depending on the characteristics of the national culture and the composition of the political atmosphere in which they are immersed, artistic milieus foster specific forms of provocation and promote or engender feelings of defiance. To return to the case of South Africa, which is celebrating 30 years of democracy in 2024, the publication of the novel Disgrace (1999) by Nobel Prize winner John Maxwell Coetzee revealed a writer who refused to break with the tradition of defiance he had cultivated during apartheid - fiction set up as a rival to history. Like Alain Chartier's poem, which caused a scandal in the circles of the Capetian court, his story of interracial rape in the "rainbow nation" caused a stir even in the parliamentary arena. Coetzee challenged the production of the "new history" of the "new South Africa" by questioning the values of the young democracy. 

 

More recently, the strategic expansion of the BRICS club, to which India and South Africa belong, has reinforced the idea that emerging countries are determined to defy the world order promoted by Western powers and institutions. In the same vein, perhaps a particular form of defiance can be discerned in South Africa's application to the International Court of Justice in December 2023 against the State of Israel, accused of perpetrating genocide in the Gaza Strip. 

 

Zygmunt Bauman argues that today's world is in a state of generalised 'liquidity', a state that results from the breakdown in the relationship between politics and power, seen as central to the crisis of nation-states, and the weakening of the idea of community, brought about by the introduction of new technologies. In this globalised 'liquid society', insecurity, uncertainty and individualism dominate. What/who do we defy in a 'liquid society'? How is defiance constructed and exercised in such a society? In what Ulrich Beck calls the 'risk society' - an industrial society in which the social production of wealth is systematically correlated with the social production of risk - he sees the emergence of new collective movements based more on the association of more autonomous individual consciences. Under no form of control? Is defiance conceivable in a society that aims to "colonise the future", where "fear dominates our lives" and "the value of security represses the value of equality"? 

 

This conference is part of the debate opened up by Nancy Nyquist Potter (2016) in her introduction to her eulogy of defiance: Although most societies occasionally regard defiant behaviour as heroic, more often defiant behaviour is met with suppression, punishment or medicalization. Defiance behaviour is usually deemed disruptive to society and harmful to self, and sometimes that is true. […][Yet there are] conditions under which defiance might be desirable and praiseworthy’ [….] Even today, few people are praised for defiant behaviour and to my knowledge, no one writing in virtue theory has yet claimed defiance as one of the virtues’.

 

Proposals for papers in English or French may focus on, but are definitely not restricted to, the following areas: 

  • Philosophy/Sociology of defiance
  • Methods and practices of defiance
  • Forms, values and functions of defiance
  • Representations and embodiments of defiance
  • Declared defiance, written defiance and represented defiance

 

They may cover different fields of study and combine them (sociology, anthropology, political studies, cultural studies, history, literature, economics, media, journalism, linguistics, etc.), different countries in the Anglo-Saxon area, the Commonwealth and the BRICS, and deal with all areas of learned or popular culture (visual arts, different 'genres' of fiction, sports, music, collectors' items, cultural and media practices, games, literature, etc.). 

 

Papers should last no longer than 20 minutes.

Proposals of 300 words maximum together with a brief biographical note (100 words or so) should be sent

 

A publication is envisaged with L'Harmattan (Paris) in Prof. Michel Prum's "Racisme et Eugénisme" book series.

 

Comité organisateur/Organising committee

Dr. Nargès BARDI (Université de Clermont Auvergne, France) 

Dr. Marie-Annick MATTIOLI (Université Paris Cité, France)

Prof. Ludmila OMMUNDSEN PESSOA (Le Mans Université)

Prof. Michel PRUM (Université Paris Cité, France)

 

Comité scientifique/Scientific committee

Prof. Rédouane ABOUDDAHAB (Le Mans Université, France)

Dr. Marie-Claude BARBIER (ENS Paris Saclay, France)

Dr. Nada AFIOUNI (Université Le Havre Normandie, France)

Prof. Florence BINARD (Université Paris Cité, France)

Prof. Deirdre GILFEDDER (Université de Paris Dauphine, PSL, France)

Dr Grainne O'KEEFFE VIGNERON (Université de Rennes, France)

Dr. Darwis KHUDORI (Université Le Havre Normandie, France)

Dr. Xavier LACHAZETTE (Le Mans Université, France)

Prof. Vincent LATOUR (Toulouse Université, France)

Prof. Benaouda LEBDAI (Le Mans Université, France)

Dr. Nadia MALINOVICH (Université de Picardie, France)

Prof. Gilles TEULIÉ (Université Aix-Marseille, France)

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire